A Ceremony of Carols + Noye’s Fludde

Note écrite pour L’Arche de Noé à la Comédie de Valence et au Théâtre de la Croix-Rousse.

Britten a commencé la composition de A Ceremony of Carols, cycle de 11 chants de Noël pour chœur d’enfants, en 1942, lors d’une traversée en bateau reliant les États-Unis à l’Angleterre. Les textes sont pour la plupart extraits de l’anthologie The English Galaxy of Shorter Poems, ce qui explique la variété de leurs langues : anglais, moyen-anglais ou latin. Ce caractère disparate tout comme l’absence de surtitrage nous rendent leur sens lointain, comme un rituel mystérieux qui se serait perdu à travers les siècles et dont ne resteraient que des gestes et des mouvements tracés dans l’espace. Partant de ces chants, la metteuse en scène Silvia Costa recrée une fête païenne qui rassemble et réchauffe – au-delà des religions – les spectateurs et les simples passants. Des images apparaissent et disparaissent, elles sont fragiles et fugitives, comme prises dans le courant du temps.

Le public est ensuite invité à entrer dans le théâtre pour assister à L’Arche de Noé (Noye’s Fludde). En1958, Britten a créé cet opéra en un acte destiné à des enfants. Seuls sont tenus par des adultes les rôles de Dieu, de Noé et de son épouse. Cette dernière n’a pas de nom. Silvia Costa a décidé de la nommer Clémence, selon le prénom de son interprète Clémence Poussin. Le livret est composé à partir de textes issus du Mystère de Chester datant du 15e siècle. Inspiré par le mythe du déluge, L’Arche de Noé ne manque pas de faire écho au dérèglement climatique que nous vivons aujourd’hui.

L’opéra commence par la voix de Dieu annonçant le déluge et ordonnant à Noé de construire une arche. Investi par cette parole divine, Noé commande aux destinées d’une communauté formée par sa famille et les couples de chaque espèce qu’il a pour mission de sauver. Ici, la voix de Dieu a bien du mal à se faire entendre : comme si l’opéra résumait en une heure les derniers siècles de l’Histoire occidentale, qui ont vu la société se laïciser et se détourner de la religion. En parallèle, le spectacle met en scène un passage de relais entre les générations : le pouvoir, qui était l’apanage du monde des adultes, passe entre les mains des enfants. À la fin, ils quittent la scène, en quête de réponses dont on devine qu’elles se situent hors du théâtre.

Quitter le théâtre est un acte fort : Silvia Costa ne croit pas que la solution à la montée des eaux puisse se trouver sur scène. Son théâtre fabrique des imaginaires, des espaces poétiques où chacun·e peut trouver sa place. La nature exacte de l’arche demeure mystérieuse : il s’agit moins d’un navire que d’une idée, d’un espace symbolique pour penser un futur possible dans notre monde en crise.

Dans la seconde partie de l’opéra – après le déluge – la parole, auparavant toute-puissante, se raréfie. Comme si ce déluge était aussi une destruction des mots et que, dans le monde d’après, il fallait trouver d’autres langages pour communiquer. Ce sont le corps, le geste et la danse. Au bout de 40 jours, Noé envoie un corbeau et une colombe en éclaireurs pour prendre des nouvelles de la terre ferme. Le sens n’est plus donné par une autorité supérieure : il revient désormais aux rescapés d’interpréter les signes de la nature, de décrypter la langue des oiseaux, d’apprendre à écouter le silence qui est la musique du ciel.

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